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Historique de la Fusion

Corcoué-sur-Logne ou l’unité dans la diversité

 

Avertissement

 
Mon intervention est celle d’un élu. Le point de vue exprimé ici est donc plus celui d’un politique que d’un historien, même si, élu, je m’intéresse à l’histoire en général et à l’histoire de ma commune en particulier.
 Je considère que l’histoire est un processus dynamique produit par des sociétés humaines en mouvement et que l’action politique, éclairée et nourrie par elle, y apporte sa contribution.
Mon implication par rapport au sujet traité et mes lacunes disciplinaires constituent, j’en suis conscient, des obstacles à l’objectivation qu’exige toute démarche scientifique. Je fais donc appel à votre indulgence.
 

Janvier 1971

 
Je vous propose de traiter le sujet qui nous intéresse en partant des délibérations du samedi trente janvier 1971 par lesquelles les conseils municipaux  de Saint Etienne de Corcoué et  de Saint Jean de Corcoué ont demandé la fusion des deux communes. Cet évènement nous apportera un éclairage intéressant sur les transformations institutionnelles profondes qui s’engagent en cette fin des années 60.
Par ailleurs, l’analyse du texte rédigé par les élus d’alors à l’intention de leurs concitoyens pour recueillir leur adhésion sur le projet de fusion constitue un moment fort de l’histoire locale. Nous essaierons d’en saisir le sens.
Enfin, l’analyse des résultats du « sondage d’opinion » du 24 janvier 1971 sur le projet de fusion nous conduira à porter un regard nuancé sur cette « re-naissance »corcouéenne.
 

A la fin des années 60 et tout au long de la décennie qui suit, l’État encourage fusions et regroupements de communes.

 
Les premières dispositions visant à impulser les réunions de communes remontent à une loi de 1837 sur l’administration municipale. Le vote de cette loi résulte déjà d’un compromis entre deux positions : l’une, contraignante, qui veut, au nom de l’efficacité, laisser au pouvoir central l’initiative de décréter les fusions ; l’autre, plus libérale et respectueuse de l’autonomie des communes, qui cherche à obtenir l’adhésion des élus.
La loi du 5 avril 1884 instaure une procédure plus autoritaire. Un simple décret en Conseil d’Etat peut décider d’une fusion et, en cas d’accord des conseils municipaux et d’avis favorable du Conseil Général, un arrêté préfectoral suffit.

Une ordonnance du 2 novembre 1945 décide même que la fusion entraîne immédiatement la dissolution des conseils municipaux et de nouvelles élections.
Face à l’insuccès de ces dispositions, le décret du 22janvier 1959 assouplit la procédure. La dissolution des conseils municipaux intervient après une période transitoire et les anciennes communes peuvent alors être érigées en sections de communes après la fusion. Cette formule rencontre plus de succès car elle permet aux anciennes communes de conserver des éléments de leur identité (sectionnement électoral, mairie annexe, maire délégué). En outre les communes fusionnées peuvent décider d’instituer des commissions consultatives pour représenter les habitants de chacune des communes associées.

C’est notamment à ce décret que se réfère l’arrêté préfectoral du 16 février 1971 (soit cent quarante et un ans après qu’un autre décret du 24 février 1830, signé de Charles X, ait définitivement rattaché La Benâte à Saint Jean de Corcoué) sur la fusion de Saint Etienne et Saint Jean de Corcoué et les délibérations municipales du 30 janvier statuant sur cette fusion. Elles « …expriment l’avis que la nouvelle commune prenne le nom de « Corcoué sur Logne », précisent « …que son chef lieu soit établi à Saint Etienne de Corcoué (dont la mairie est plus spacieuse et donc mieux adaptée aux différents services mis à la disposition des administrés…dit « l’exposé aux électeurs » distribué aux habitants des deux communes la dernière semaine de décembre 1970),…que l’actuelle mairie de Saint Jean de Corcoué soit transformée en mairie annexe, avec possibilité que les registres d’État Civil y soient maintenus,…que les bureaux de vote seront maintenus comme par le passé (y compris à La Benâte où le bureau de vote est fixé à l’école publique -NDLR),…qu’il soit créé deux postes d’adjoints spéciaux pour Saint Jean et La Benâte…en application de l’article 57 de l’administration communale, modifiée par la loi du 31 décembre 1970 (soit un mois seulement avant ces délibérations municipales – NDLA),…que le conseil municipal de la nouvelle commune soit composé jusqu’au prochain renouvellement, de la totalité des membres des deux conseils actuels.)

Sans doute fortement incités par les services de l’État à fusionner, les édiles corcouéens qui avaient engagé quelques années auparavant une coopération intercommunale à travers un SIVOM, semblent avoir voulu être à l’heure au rendez-vous avec l’histoire en profitant sans tarder des nouvelles dispositions offertes par la loi du 31/12/1970 qui allège la tutelle préfectorale sur les communes. Nous noterons au passage que, si le plus haut niveau de l’État souhaite une plus grande autonomie des communes (Cette nouvelle conception des rapports entre l'Etat et les collectivités locales a été remarquablement exprimée par la Général de Gaulle dans un discours célèbre (Lyon, le 24 mars 1968) : " L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain. " …), le représentant départemental de l’État (le Préfet) entend bien, quant à lui, encadrer les initiatives communales comme en témoigne le courrier qu’il adresse le 31 décembre au Conseiller général- Maire de Saint Etienne de Corcoué : « …Je ne puis pour ma part, comme vous le savez, qu’être tout à fait favorable à la fusion envisagée…Je n’avais d’autre souci, en vous rappelant les dispositions légales en la matière, que de sauvegarder dans ce domaine vos responsabilités au titre de la tutelle que je vous dois… ».

 Nous reviendrons tout à l’heure sur les raisons qui ont poussé le préfet à interroger le maire quelques jours plus tôt (le 24 décembre).
A l’heure, ils le seront ! En avance même sur le calendrier législatif, puisqu’il faudra attendre cinq mois, jour pour jour, après l’arrêté préfectoral pour que soit votée la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes. Cette loi prévoit l’élaboration d’un plan départemental des fusions de communes à opérer et des autres formes de coopération intercommunale à promouvoir. Il est conduit par le Préfet qui doit en soumettre le contenu à une commission d’élus départementaux et locaux. Et l’un des objectifs assignés à ces plans est la remise en ordre des structures locales rurales par fusion entre communes voisines quand leur taille, leur population ou leurs moyens ne leur permettent plus d’assumer leurs missions essentielles ni recourir à d’autres modes de regroupement (article 2 de la loi).C’était bien, semble-t-il, le sens de ce qu’écrivaient à leurs concitoyens les élus corcouéens en cette fin décembre 1970 : « …Sur tous les plans, en effet,économiques, sociaux, humains, notre monde moderne est en pleine mutation et chacun est conscient de la nécessité vitale d’adapter sans les détruire (ces deux mots sont soulignés dans le texte original), nos structures anciennes aux réalités de demain ».

De plus, la loi prévoit des incitations financières pour les communes qui acceptent la fusion : pendant cinq ans à compter de la date de la fusion, elles bénéficient d’une majoration de 50% des subventions d’équipement. Six mois plus tôt (le 24 novembre), le représentant de la préfecture n’avait-il pas indiqué que « …d’intéressantes majorations de subventions sont accordées par l’État aux communes qui fusionnent…Ce sont les premiers qui sont bien servis ! Nous sommes à l’heure actuelle les deux premières communes du département à envisager une fusion. » (Extrait de l’ « exposé aux lecteurs » déjà cité).
Les fusions n’ont pas été, nous le savons, à la hauteur des ambitions du législateur, loin s’en faut. Entre 1968 et 1978, 2229 communes ont fusionné (contre 10143 annoncées dans les plans départementaux) ce qui représente 897 fusions opérées contre 3682 annoncées. Et, dans 70% des cas, ce sont des petites communes rurales qui, comme Saint Jean et Saint Etienne de Corcoué, ont fusionné à deux et, plus rarement trois.
 Le rapport de la commission de développement des responsabilités locales dite  « commission vivre ensemble » et présidée par Olivier Guichard, n’est pas encore produit (et pour cause, la commission est créée en 1971 et produira son fameux rapport en 1976). Ce rapport préconise notamment de donner plus de pouvoir aux élus locaux comme aux citoyens.

N’était-ce pas précisément cette volonté que traduisait le recours au « sondage d’opinion », ni plus ni moins que référendum, ouvert de surcroît aux jeunes de plus de 18 ans des deux communes, et qui avait justifié le courrier de demande d’explications du Préfet le 24 décembre 1970 ? « …de m’indiquer les dispositions que vous comptiez prendre pour que cette initiative ne puisse être interprétée comme pouvant substituer la « vox populi » à l’exercice normal des prérogatives municipales. » et plus loin « …si donc ce sondage peut se faire avec toute la discrétion nécessaire, je pense que l’efficacité que vous recherchez sera atteinte, autant que seront saufs les principes de la démocratie locale. »

Autres temps, autres façons de penser la démocratie locale ! Le référendum du 24 janvier 1971, sans avoir de caractère officiel, vient tout de même conforter le projet de fusion. Les résultats sont sans équivoque : Nombre d’électeurs inscrits : 1336 ; Nombre de votants : 1119 soit 83,75% ; Bulletins nuls : 19 soit 1,70% ; Exprimés : 1100 soit 98,30% ou 82,33% des inscrits. OUI : 903 soit 82% des exprimés. NON : 197 soit 18%. Ainsi, même si la décision de fusionner appartient aux seuls élus et, en dernier ressort au Préfet, ce référendum lui confère sa légitimité aux yeux des Corcouéens et des observateurs extérieurs.
 

S’unir pour grandir

 
 En s’unissant, les deux communes constituent un nouvel ensemble de plus de 5000 ha et atteignent presque la barre symbolique des 2000 habitants dont un tiers agglomérés.
Ce sont les associations qui, au début des années 60, ont ouvert la voie de la coopération. La Gaule Corcouéenne d’abord, réunit les amateurs de pêche à la ligne autour de leur lobby et de leur lieu commun d’exercice, La Logne. Quelques années plus tard, ce sont les footballeurs et les pongistes qui susciteront la création de l’ESC (Entente Sportive Corcouéenne). La réalisation d’un terrain de football sera d’ailleurs le premier projet de « l’Avenir de Corcoué », syndicat intercommunal créé le 28 octobre 1966 qui se voit immédiatement confier la gestion d’un équipement intercommunal construit deux ans plus tôt : la station d’épuration vers laquelle converge les premiers réseaux séparatifs (eaux usées domestiques séparées des eaux pluviales) réalisés dans chacun des deux bourgs à l’initiative et sur les fonds propres des deux communes.
Pourtant, les arguments avancés par les protagonistes sont d’ordre plus économique : « Pensez-vous sérieusement que dans dix ans leur prospérité sera maintenue..., Croyez vous que d’ici dix ans ou trente ans nous pourrons sauvegarder séparément les intérêts agricoles, artisanaux et commerciaux de nos populations… ? » peut-on lire dans l’ « exposé aux électeurs » déjà cité. Et, pour justifier le nécessaire dépassement du SIVOM : « …les syndicats à vocation multiple qui se créent partout ne peuvent pas vivre par eux-mêmes, n’ayant aucune ressource et dépendent du bon vouloir des communes… »
On y parle aussi beaucoup d’emploi : « …l’usine que nous souhaitons tous… », de création d’un lotissement et de développement touristique avec, notamment la création d’un plan d’eau…qui ne verra pas le jour malgré des études très avancées réalisées les années suivantes.

Et comme dans toute  bonne union, chacun apporte sa dot : « …Quand on met en commun un sort et des intérêts séparés, on aime bien savoir ce que chacun apporte dans la corbeille… ».
Une longue vie commune est en train de voir le jour. Elle se traduira par d’autres fusions (paroisses, écoles dans les années 80) et fera naître des projets communs qui portent tous désormais l’empreinte de CORCOUE sur LOGNE et en confortent l’image.

​​​​​​​Pour autant, les spécificités de chacune des anciennes paroisses/communes, n’en sont pas gommées. Fusionner ne signifie pas disparaître. Au contraire, « l’union différencie » pour emprunter la célèbre formule de Pierre Teilhard de Chardin et chaque bourg a su conserver son caractère propre au sein d’une même commune.
Le nom de la commune est un symbole fort. Corcoué, dénominateur commun à Saint Jean et Saint Etienne avant la fusion, est conservé et La Logne qui a, durant des siècles, marqué la séparation entre les terres bretonnes et poitevines, devient le trait d’union. Et, sans le vouloir ni le savoir sans doute, ou en tous cas sans qu’aucune trace écrite n’en témoigne, ce choix va, sur le plan étymologique, se révéler d’une grande pertinence toponymique. Corcoué tiendrait son origine du gallois cor goed, le petit bois et La Logne du pré-celtique onn ou onna l’eau, la rivière.
« Corcoué sur Logne ou le petit bois sur la rivière ». On ne pouvait faire mieux pour désigner notre commune. Une autre remarque vient à l’esprit : le nom de la nouvelle commune lui redonne une identité culturelle et territoriale que la christianisation avait fait oublier : l’origine celtique de son peuplement pionnier.

Pour conclure, je rendrai hommage aux maires successifs depuis la fusion : Robert de Goulaine, Gonzague Charron, Gabriel Pouvreau et Marie Louise Charrier qui ont, chacun à sa façon, contribué à la valorisation de notre patrimoine commun.

Qu’ils en soient remerciés.
 
Claude NAUD
 
 
Conférence du  25 août 2007 Assemblée générale des Historiens du Pays de Retz à Corcoué sur Logne