11/07/2021

Le monde d’après, c’est déjà aujourd’hui


On a écrit, on a recueilli témoignages et récits de vies au temps du COVID.
On a lu, entendu des milliers de promesses sur le monde d’après.
On a nourri tant d’espoirs qu’ils ne sauraient être déçus !

Et si nous explorions les pistes pour ce monde d’après, aujourd’hui tout simplement ?
Et si une révolution silencieuse s’était mise en marche ?

Dialogue entre un père et sa fille

La scène se passe dans la cuisine, debout, dans un espace réduit, entre le plan de travail encombré et la table où on vient de partager un petit plat mijoté.
Depuis quelque temps on a repris l’habitude de “faire la vaisselle dans l’évier” juste après le repas.
Aussi rapide que le lave-vaisselle quand “on est entre nous”.
Mais aussi moment privilégié pour la conversation spontanée.
“C’est incroyable tout ce qu’on peut se dire en essuyant la vaisselle”.

Changer de logiciel

Le père : Nous avions su maîtriser le feu et les techniques, nous avions su dominer la nature.
Nous avons un niveau et une somme de connaissances jamais atteints...
La fille : Et alors, on maîtrise quoi au juste ?
Le père : Je ne sais plus. J’ai l’impression d’être dépassé. Mon mode de pensée ne répond plus.
La fille : Face à cette valse d’incertitudes, le futur devient difficile à anticiper. Il faut changer de logiciel papa ! Cesser de penser en silo et penser en réseau.

Quêter les vraies richesses

Le père : Mais, nous devons absolument retrouver notre PIB*, la croissance !
La fille : Mais que dit le PIB de toutes ces richesses non monétaires et d’utilité sociale qui se sont révélées massivement durant le confinement ?
Le père : De quelles richesses parles-tu ?
La fille : le suivi scolaire des enfants à la maison par leurs parents, le retour à la cuisine familiale, les actions de solidarité entre les habitants, le travail ininterrompu des “invisibles” et des “petites mains” devenues soudain indispensables, les courses pour les voisins, les échanges de savoir-faire, les aides aux plus fragiles, la redécouverte des produits locaux, des circuits courts...
Le père : C’est vrai, ça a de la valeur tout ça. Mais tu es d’accord, nous avons quand même la chance d’avoir internet ?
La fille : Pour retrouver des amis sur les réseaux sociaux ?
Le père : Et pour le travail. Mais il a fallu partager l’accès à mon PC. C’est devenu un enjeu familial. Pas facile de se répartir l’outil, l’espace et le temps ! Travail à distance et présence à la maison... Ça change la vie !
La fille : On a appris à re-vivre ensemble au lieu de rester figés chacun devant son écran.
Le père : C’était pas gagné !

Retisser le lien avec la nature, le vivant

La fille : Et les sorties dans les champs voisins, on n’avait jamais fait ça ensemble. Les oiseaux chantent. Je ne les entendais pas avant.
Le père : Ou plutôt, on ne les entendait plus. On ne savait plus écouter la nature.
La fille : C’est drôle, c’est comme si on était devenus “bio compatibles” !
Le père : Oui, c’est sympa comme expression ! Ce sont de vraies richesses. On les avait trop oubliées. Il faut renouer avec le vivant. Quêter la nature ordinaire. Pieds nus sur la terre sacrée, laisser vagabonder nos pensées.
La fille : Pour être heureux, vivons nature ! A l’école par exemple, pourquoi ne pas faire cours dehors, cela éviterait bien des contaminations ! C’est aussi simple que de rester en classe et d’ouvrir les fenêtres pour faire de l’air. Et le livre est toujours ouvert. Il faut apprendre à le lire ensemble. Et pour commencer, oser l’étonnement, source de tous les apprentissages.
Le père : Oui, tu as raison, le contact avec la nature nous fait du bien. Il favorise le développement émotionnel, cognitif et moteur des enfants. Il diminue le stress et atténue les comportements agressifs. Faire classe à ciel ouvert contribue à l’épanouissement des enfants, en leur offrant l’espace, le calme et d’innombrables possibilités de découverte et d’émerveillement. Pourquoi ne pas profiter des beaux jours pour faire le plein d’énergie, pour retisser ce lien ténu avec la nature, pour “apprendre ensemble”, élèves et enseignants, tous “sachants et apprenants”, en faisant l’expérience des échanges réciproques de savoirs ?

Vers une éco-nomie responsable

La fille : C’est étonnant, tu sembles soudain ne plus tout miser sur l’économie ?
Le père : Si, bien sûr! Je crois à l’économie “responsable”, celle qui ne sacrifie pas la vie, la santé, l’environnement sur l’autel des finances et de la démesure. Il nous faut revoir les modèles de développement du siècle passé, fondés sur la croissance illimitée, qui font peser une pression insoutenable sur les êtres vivants, les milieux naturels et sur le climat. N’oublions pas que là réside, depuis l’aube de l’humanité, notre “oikos”, notre “maison”, notre patrimoine commun.
La fille : “oikos”, c’est la racine commune à “économie” et “éco-logie , n’est-ce pas ?
Le père : Oui, c’est très juste. Il n’est pas inutile de le rappeler ! Il faut prendre soin de notre maison et bien la connaître pour la gérer durablement.Oser l’utopie
La fille : Tu veux dire qu’il ne faut rien changer ? Laisser la maison en l’état ?
Le père : Non justement, c’est l’inverse. Prendre soin c’est penser demain au-delà des réalités d’aujourd’hui car le monde n’est pas statique. Transmettre la maison de demain c’est d’abord la penser différente d’aujourd’hui.Viable et vivable.
La fille : Des millions de révolutions tranquilles éclosent partout dans le monde. Elles disent que tout est possible quand les citoyens prennent en main leur destin et engagent, loin des discours politiques poussiéreux une véritable transition écologique et sociétale.”

Claude NAUD, Maire